Avez-vous dit Ergogénique ?
Par Jean-Yves Dionne, BSc Pharm.
Deuxième partie d' une série de six.
Les suppléments de protéines ont-ils un effet sur le développement
musculaire ?
Cette question peut sembler banale mais, en fait, elle est source de controverse.
Les protéines sont, nous le savons, la source alimentaire des acides aminés
qui servent à bâtir les muscles. Ce qui n'est pas évident, c'est
l'impact d'un apport accru de protéines sur le développement musculaire
de l'athlète ou de la personne active. Ce sujet englobe plusieurs sous-questions
importantes :
· Quel type de protéines donne les meilleurs résultats au niveau
du développement musculaire ? Œuf, petit-lait, soya ? Diète vs supplément
?
· Existe-t-il un mécanisme par lequel les protéines peuvent
stimuler l'accroissement de la masse musculaire maigre ?
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· Y a-t-il un moment privilégié pour la prise de protéines
(une sorte de « chronodiététique ») ?
· Quelle est la dose idéale ? À partir de quelle dose l'apport
en protéines ne devient-il que des calories de plus, entraînant un
surplus de poids (graisse) plutôt que la masse musculaire maigre recherchée
?
On retrouve, sur le marché, plusieurs types de suppléments de protéines
qui sont fabriqués à partir de petit lait (lactosérum), de
poudre de lait (caséine), de blanc d'œuf, de soya, de chanvre ou encore de
riz. Cet article ne touche pas aux « fractions de petit lait » qui sont
vendues pour leur effet sur le système immunitaire (HMS 90, ImmunoCal, GSH,
etc.).
Les protéines de petit lait (Whey protein) sont vendues comme supplément
protéique pour le développement musculaire ou la perte de poids. Elles
occupent une grande part de ce marché pour deux raisons principales. La raison
première est que le petit lait est un sous-produit de la fabrication des
fromages. La mise en marché de suppléments de petit lait transforme
donc une dépense encourue pour disposer d'un « déchet »
en une source intéressante de revenu. La seconde raison tient à leur
efficacité. En effet, selon les données disponibles, les protéines
de petit lait seraient parmi les suppléments de protéines les plus
performants, probablement parce que mieux (ou plus rapidement) absorbées.
Les autres sources de protéines, comme le blanc d'œuf ou le soya, occupent
des parts de marché beaucoup plus petites. Les protéines de soya intéressent
généralement un client différent. Ce client est habituellement
une femme qui cherche à la fois l'effet du supplément de protéines
et celui des isoflavones de soya (alias les fameuses phytoestrogènes). D'ailleurs,
l'axe « marketing » de ces suppléments est très différent
de celui du lactosérum.
Montignac, dans son livre « L'obésité chez les enfants, comment
la prévenir et la combattre », (1) mentionne deux études qui
font le lien entre protéines laitières et sécrétion
d'insuline. (2,3) On y apprend que, lorsqu'elles sont ajoutées au glucose,
les protéines laitières, en particulier le petit lait contenu dans
le fromage cottage, augmentent la quantité d'insuline de 360% (2) par rapport
au glucose seul.
L'insuline, en plus de contrôler le glucose sanguin, est la principale hormone
« anabolisante » en association avec le IGF (Insuline-like Growth Factor
ou facteur de croissance insulinoïde). C'est-à-dire que l'insuline et
le IGF accroissent la pénétration des nutriments (pas seulement du
glucose) dans la cellule. Donc, si le petit lait cause plus de sécrétion
d'insuline que les autres protéines, il est logiquement plus « anabolisant
» et favorise le développement musculaire. Cette notion n'est cependant
pas acceptée par tous. Par exemple, d'autres chercheurs comme Boirie et collaborateurs
montre que la caséine (protéine de lait purifiée) augmente
la synthèse protéique musculaire plus que le lactosérum. (4)
De plus, le type de protéine n'est pas le seul facteur important. La présence
de glucides augmente l'absorption des protéines ainsi que leur effet «
anabolisant ». (5) Donc, pour l'effet de développement musculaire,
on ne peut pas « être contre le lait et les laitages.
Il est à noter que l'effet des protéines, quelqu'elles soient, peut
varier selon le moment de leur absorption. Lorsqu'elles sont prises immédiatement
après l'entraînement, il en résulte une plus grande biodisponibilité
(absorption directe par le muscle). (6,7) De la même façon, lorsque
les protéines sont prises avant l'entraînement, l'effet sur la synthèse
protéique musculaire est accru. (5) Cette notion de « chronodiététique
» s'explique par l'accroissement considérable de la synthèse
protéique par le muscle après l'exercice. Ainsi, il a été
mesuré qu'après un entraînement en résistance (poids),
la synthèse de protéines du muscle sollicité est augmentée
de 50% dans les 4 heures suivant l'entraînement. ( 8)
Il semble également que la prise de protéines combinée à
un programme d'exercices augmente le métabolisme basal plus que l'exercice
seul et pourrait donc, théoriquement, favoriser la perte de masse graisseuse.
(9) Par contre, la quantité totale de protéines de la diète,
toutes sources confondues, ne doit pas être trop élevée, sinon
l'excédent se transforme en gras. L'apport total de protéines varie
en fonction du type et de la quantité d'activités pratiquées
:
Apport protéique
Par kg
Pour un individu de 75kg
Apport Nutritionnel Recommandé
0.8g/kg/jr
60g/jour
Américain moyen
1.2g/kg/jr
90g/jour
Athlète (musculation)
1.7 à 1.8g/kg/jr
127.5 à 135g/jour
Athlète (endurance)
1.4g/kg/jr
105g/jour
Apport maximum
2g/kg/jr
150g/jour
Donc, attention, sportifs du dimanche ! Si le taux d'activité n'est pas suffisant
par rapport à l'apport protéique total, les suppléments de
protéines risquent fort de faire augmenter le tour de taille, plutôt
que la musculature.
Finalement, la question fondamentale à propos de ces suppléments pour
sportifs est de savoir s'ils ont réellement un impact supérieur aux
protéines de la diète. La réponse est : non! Les suppléments
de protéines sont évidemment pratiques, mais il est possible d'obtenir
des résultats similaires en modulant la diète de façon à
tenir compte de la quantité et du type de protéines ingérées
ainsi que de la « chronodiététique ».
Conseils aux utilisateurs :
· D'abord, vérifier votre diète pour qu'elle soit optimale
(consulter à un(e) nutritionniste s'il y a lieu).
· Le petit lait et la caséine seraient les sources de protéines
ayant le meilleur effet « anabolisant ».
· L'ajout de glucides/sucres (jus de fruits) aux protéines augmente
l'effet.
· L'apport de protéines, peu importe la source, est plus efficace
en terme de développement musculaire s'il survient près de la période
d'entraînement (juste avant ou juste après).
· La dose de supplément utile dépend de la quantité
totale de protéines de la diète et, évidemment, du type et
du niveau d'activité physique.
Références :
1. Montignac M. L'obésité chez les enfants, comment la prévenir
et la combattre. Flammarion Québec 2003.
2. Gannon MC, Nuttall FQ, Neil BJ, Westphal SA. The Insuline and Glucose Responses
to Meals of Glucose plus Various Proteins in Type II Diabetic Subjects. Metabolism
1988;37(11):1081-88.
3. Nuttall FQ, Gannon MC. Metabolic Response to Egg White and Cottage Cheese protein
in Normal Subjects. Metabolism 1990;39(7):749-55.
4. Boirie, Y., Dangin, M., Gachon, P., Vasson, M.P., Maubois, J.L. and Beaufrere,
B. (). Slow and fast dietary proteins differently modulate postprandial protein
accretion. Proc Nat Acad Sci 1997;94;14930–35.
5. Tipton KD, Wolfe RR. Protein and amino acids for athletes. J Sports Sci
2004;22:65–79
6. Tipton KD, Rasmussen BB, Miller SL et al. Timing of amino acid-carbohydrate ingestion
alters anabolic response of muscle to resistance exercise. Am J Physiol Endocrinol
Metab 2001 Aug;281(2):E197-206
7. Rasmussen BB, Tipton KD, Miller SL et al. An oral essential amino acid-carbohydrate
supplement enhances muscle protein anabolism after resistance exercise. J Appl Physiol
2000 Feb;88(2):386-92
8. Chesley A, MacDougall JD, Tarnopolsky MA, et al. Changes in human muscle protein
synthesis after resistance exercise. J Appl Physiol 1992; 73 (4): 1383-8
cité dans Lambert CP, Frank LL, Evans WJ. Macronutrient Considerations for
the Sport of Bodybuilding. Sports Med 2004; 34 (5): 317-327
9. Doi T, Matsuo T, Sugawara M et al. New approach for weight reduction by a combination
of diet, light resistance exercise and the timing of ingesting a protein supplement.
Asia Pac J Clin Nutr 2001;10(3):226-32
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à Jean-Yves Dionne - InfoNaturel.ca Le 21 septembre 2008
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