La malbouffe à l’école : pas d’impact ?
Il y a 11 ans... Certains journaux titrent: la malbouffe à l’école n’entraîne pas l’obésité
chez les enfants, encore aujourd'hui, ce sujet est encore présent. Dans une vaste étude menée sur 4 300 élèves de Nouvelle-Écosse,
Veugelers et Fitzgerald concluent que les machines distributrices à l’école n’auraient
qu’un impact marginal sur l’embonpoint d’enfants de 5e secondaire. Avec
la présence de distributrices dans l’école, la consommation de cannettes de boissons
gazeuses n’augmentait que de 3,6 à 4 par semaine et n’avait pas d’impact significatif
sur le poids, pas plus que la présence de distributrices d’autres aliments (1).
Certains vont dire que c’est dédouaner la malbouffe un peu trop vite. De plus, cette
dernière affecte bien d’autres aspects de la santé.
Nombreux sont les facteurs comportementaux et socio-économiques qui s’entremêlent
dans les choix alimentaires et dans leur impact final sur la santé. En premier lieu,
une constatation de l’étude qui devrait nous faire fortement réfléchir : la prise
du souper autour de la table familiale protège le tour de taille des enfants, alors
que le fait de les abandonner à la télé pour le souper les fait grossir. Il semble
que plus la famille supervise étroitement les repas, moins il y a de surpoids chez
les jeunes. Or, la même étude montre que le fait d’acheter son dîner à l’école plutôt
que de le prendre à la maison ou de l’apporter à l’école augmente les risques de
surpoids de près de 40 %. C’est énorme. Là encore, quand la main des parents
façonne le dîner, le risque de surpoids dégringole. Quand l’enfant choisit sans
supervision parentale, le poids dérape. Enfin, sauter le déjeuner est fortement
« obésogène ». De nouveau, c’est un rappel à la supervision parentale.
Bougez, les enfants !
Comme bien d’autres, l’étude de Veugelers et Fitzgerald démontre que l’activité
physique réduit fortement le taux de surpoids chez les jeunes Néo-Écossais.
À l’inverse, plus votre enfant s’adonne à des activités sédentaires (incluant le
transport par véhicule moteur), plus il risque d’augmenter son tour de taille. En
s’offrant de le reconduire en auto à l’école alors qu’elle est située tout près,
les parents défavorisent l’habitude de l’activité physique chez leur enfant. Quelle
merveille que de bouger ! Ce faisant, ils réduisent d’autant ses chances de socialiser
avec d’autres écoliers, si c’est le cas, ou à l’inverse, le privent de moments de
réflexion s’il n’y a pas d’autres élèves pour l’accompagner en trajet vers l’école.
La malbouffe : une jambette à l’activité physique ?
Prises séparément, activité physique et alimentation favorisent une taille fine.
Il y a probablement une synergie entre les deux : la sédentarité a toutes les chances
de fragiliser le corps aux effets nocifs de la malbouffe, et vice-versa. Car sommes-nous
portés à l’activité et à l’effort après s’être confié à la malbouffe ou suite à
des abus de table ? À l’inverse, la digestion est amplement facilitée par
la pratique des sports ou de toute forme d’activité physique. Qui n’a pas constaté
à quel point le fait de s’être trémoussé sur une piste de danse suite à un repas
copieux allège le poids de la digestion et de la vie ? Cela s’accompagne de bienfaits
non seulement pour le cœur, mais aussi pour les tripes.
Le statut socioéconomique, un facteur de poids
Données connues, l’étude de Veugelers et Fitzgerald confirme que l’éducation et
la richesse ont une incidence fortement bénéfique sur le poids des enfants, indépendamment
l’une de l’autre. La portion de la population riche et éduquée tient plus
compte des messages d’avertissement : les campagnes de sensibilisation de Santé
Canada à propos des gras «trans» se sont avérées plus efficaces chez les gens favorisés.
Il apert que la meilleure stratégie d’intervention contre l’obésité (et de nombreux
autres troubles de santé, ne l’oublions pas) serait de mener des actions ciblées
auprès des milieux défavorisés. Mentionnons la constitution de cafétérias santé
accompagnée de messages de sensibilisation dans les écoles, les subventions pour
approvisionnemer des garderies en fruits et légumes bio, etc., tout en faisant la
promotion de l’activité physique.
Enfin, une constatation s’impose : les quartiers défavorisés constituent généralement
de véritables «déserts» de l’offre d’aliments sains. Pas de doute, il faut une intervention
de l’état qui est le mieux placé pour intervenir à ce niveau en favorisant l’installation
de commerces appropriés. Veugelers et Fitzgerald suggèrent justement d’implanter
les programmes en santé publique en priorité dans les milieux défavorisés.
Cette approche est ce qui semble le plus «payant» pour l’état, divers rapports montrant
que dans les pays où l’état s’occupe de ses pauvres, le taux de richesse général
s’accroît. L’explication en est multiple. Le fait de réduire taxes et tarifs pour
les pauvres rend de l’argent immédiatement disponible pour faire fonctionner l’économie
puisque les gens à faible revenu ne couvrent déjà pas leurs besoins : ils vont obligatoirement
dépenser leurs nouvelles liquidités. De plus, le fait d’améliorer le sort des gens
à faible revenu par l’alimentation saine pourrait non seulement amoindrir leurs
troubles de santé et les coûts inhérents, mais également le risque qu’ils accroissent
la délinquance et autres troubles familiaux. Enfin, rassembler les jeunes autour
d’activités sportives, par exemple en développant les infrastructures sportives,
permet d’atteindre des objectifs semblables.
D’autres façons d’aider les parents
Faut-il bannir la malbouffe des écoles ? S’il ce ne s’agit que de cela, l’approche
paraît simpliste. Dans leur supervision des repas de leurs enfants, les parents
ont besoin de soutien en ce sens contre la publicité omniprésente de l’industrie
de la malbouffe et ses milliers de messages chaque année. Des messages généraux
s’adressant aux familles pourraient être très efficaces pour renforcer l’impact
d’autres actions menées au niveau de l’école, tel qu’énuméré plus haut. Ces messages
ne devraient pas trop s’attarder à jeter l’anathème contre la malbouffe, mais plutôt
à faire connaître des façons savoureuses d’apprêter des aliments frais et les bénéfices
qu’on peut en retirer. N’oublions pas que la promotion des fruits et légumes à l’école
a marché chaque fois qu’on l’a essayée. Enfin, l’utilité de l’interdiction de la
malbouffe à l’école peut être annulée complètement si les élèves ont la possibilité
d’aller au McDo du coin. Faudra-t-il taxer la malbouffe et en utiliser
les fruits pour subventionner ces actions ? C’est une arme à deux tranchants. Plus
facilement confinés à l’alimentation de bas de gamme, les milieux socioéconomiques
défavorisés seraient plus pénalisés. Des débats à venir.
Bibliographie
1- Veugelers, PJ et Fitzgerald, AL. 2005. Prevalence and risk factors for childhood
overweight and obesity. Journal de l’Association médicale canadienne, 173
: 607-613.
Dr Carol Vachon, Docteur en physiologie médicale, consultant en nutrition. Auteur
du livre, Pour l’Amour du bon lait. Article présenté en collaboration avec l'Association
Manger Santé Bio. | InfoNaturel.ca | Allimentation
Bilologique Article revisé le 17 janvier 2016
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