Pour ou contre les fruits et légumes?
Par: Jean-Yves Dionne, B.Sc. Pharm.
Encore une étude (1) qui va dans le sens contraire de ce qui est habituellement
admis, et qui fait la manchette (2). En effet, une nouvelle analyse des données
d’une immense cohorte (plus de 30 000 cas de cancer) arrive à la conclusion que
la consommation de fruits et légumes n’aurait qu’un effet marginal dans la prévention
des cancers. Faut-il oublier tous les conseils nutritionnels et se lancer dans une
diète néfaste food comme celle utilisée dans Supersize Me?
Avant de jeter les fruits, légumes et autres antioxydants au compost (au moins,
sauvons la planète, regardons de près l’étude sur laquelle est basée cette analyse.
La fameuse étude EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and nutrition)
a suivi durant plus de 8 ans près d’un demi million de personnes dans 10 pays européens.
De ce nombre, 30 000 ont développé un cancer. À l’aide de divers questionnaires,
on a cherché à faire des liens, avec l’alimentation entre autres, pour trouver les
causes et facteurs de risque des cancers.
Si vous avez lu
Une étude sur les multivitamines, vous me voyez peut-être venir… Le problème
principal est le même dans les deux études: le moyen d’obtenir l’information, soit
des questionnaires remplis à la fin de l’étude. Même si la cohorte a été suivie
durant 8 ans, l’information a été obtenue de façon rétrospective, en faisant appel
à la mémoire des gens sur ce qu’ils ont mangé durant les années précédentes.
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Sources de biais
Il est particulièrement bien démontré que ces résultats sont toujours biaisés. Il
est naturel et humain de modifier les résultats en fonction de ce que l’individu
perçoit comme étant la meilleure réponse. Dans le cas qui nous intéresse, il est
évident que les personnes qui ne mangent que peu de fruits et légumes ont tendance
à améliorer la réalité!
Autre biais très probable: la notion de portion est passablement floue. Qu’est-ce
qu’une portion pour vous? Est-ce la même chose pour le voisin? Même si les questionnaires
définissaient les portions en grammes, qui sait combien pèse une pomme? ou quelques
raisins?
Résultats
Les résultats de cette analyse montrent qu’une consommation qualifiée d’importante
(200g/jr et plus) de fruits et légumes offrirait une protection contre le cancer
de 3% et une consommation moins importante (100g/jr), une protection de 2%. Bref,
pourquoi se forcer?
Quant on s’arrête à regarder les chiffres, on voit tout de suite que 200g, ce n’est
pas si important que ça: une pomme pèse facilement 150g! La différence
entre 100g et 200g paraît grande, mais même avec une consommation de 200g/jr, on
est très loin des recommandations minimales du guide alimentaire canadien. Si une
pomme moyenne pèse 150g, alors 5 portions correspondent à plus de 500g/jr … Si on
avait analysé les résultats de l’étude en considérant une consommation importante
comme étant plutôt de l’ordre de 750g par jour, quelle aurait été la conclusion?
Fait intéressant, dans la même cohorte, l’effet de protection est de 9% pour une
consommation de seulement 80g/jr lorsque les données sont analysées en fonction
des cancers des voies respiratoires et digestives supérieures. (3) Ainsi, manger
la moitié d’une pomme par jour serait bénéfique…
Finalement, peut-être que ces résultats ne veulent pas dire grand-chose…
On sait aussi que, entre l’apparition des premières cellules cancéreuses et l’arrivée
du véritable cancer, il peut s’écouler 10, voire 40 ans. La durée de cette étude
(8 ans) est donc probablement trop courte pour permettre de détecter l’effet d’une
intervention alimentaire de prévention.
Il faut également garder à l’esprit que les cancers sont souvent multifactoriels.
L’alimentation n’est qu’un de ces facteurs, complexe certes, mais pas unique. Il
y a l’environnement, le stress, les perturbateurs hormonaux et autres substances…
Selon le célèbre Dr Richard Béliveau, la consommation de fruits et légumes à très
long terme demeure la meilleure protection contre les cancers. (4) J’y ajouterais:
la vitamine D à plus de 2000 UI par jour, l’éradication des substances cancérigènes
et perturbatrices endocriniennes de notre environnement… et pourquoi pas l’élimination
des champs électromagnétiques et des émotions négatives…
De l’information s.v.p.
Ce qui me surprend toujours, ce n’est pas tellement qu’on publie des résultats comme
ceux-ci, mais surtout qu’ils fassent la manchette! Est-ce vraiment de l’information?
Bien sûr que non. Le cancer est à la mode (le Dr Béliveau aussi), c’est donc une
nouvelle payante. Qui se soucie de semer la confusion?
Les fruits et légumes sont-ils bons pour nous?
Avons-nous vraiment besoin d’une étude pour répondre à cette question? Le meilleur
indicateur que les fruits et légumes sont bons pour nous n’est pas le fait qu’ils
préviennent ou non les cancers, mais plutôt le comment-on-se-sent quand
on en mange beaucoup. Faites le test! Durant une semaine, mangez vos 10 portions
de fruits et légumes colorés par jour (vous verrez, c’est beaucoup plus facile que
vous ne le croyez).
· Déjeuner: 1 verre de jus de fruits
· Collation: 2 fruits
· Dîner: 2 portions de légumes
· Collation: 2 fruits (avec des noix, pour mieux soutenir)
· Souper: 3 portions de légumes
Et voilà, 10 portions!
Si vous voulez pousser le test, n’en mangez aucun la semaine suivante (si vous êtes
capable :-0 ). Comparez comment vous vous sentez. Vous verrez très rapidement que
l’intérêt de bien manger n’est pas abstrait, mais qu’il se fait sentir à court terme,
dans la vie de tous les jours.
Bon appétit!
JYD
Références:
1. Boffetta P, Couto E, Wichmann J, et al.
Fruit and Vegetable Intake and Overall Cancer Risk in the European Prospective Investigation
Into Cancer and Nutrition (EPIC). J Natl Cancer Inst. 2010 Apr
6.[Epub ahead of print] PubMed PMID: 20371762.
2.
Prévention du cancer, Les fruits et légumes, pas une panacée. Mise à jour
le jeudi 8 avril 2010 à 22 h 26 sur www.radio-canada.ca
3. Boeing H, Dietrich T, Hoffmann K, et la.
Intake of fruits and vegetables and risk of cancer of the upper aero-digestive tract:
the prospective EPIC-study. Cancer Causes Control. 2006 Sep;17(7):957-69.
PubMed PMID: 16841263.
4.
Prévention du cancer : fruits et légumes à chaque repas au moins. Compte-rendu
FAV Health 2005, un symposium international sur les effets santé des fruits et légumes,
allocution de Richard Béliveau par Françoise Ruby sur Passeportsante.net
Par: Jean-Yves Dionne, B.Sc. Pharm.
www.InfoNaturel.ca le 8 juillet 2010 - Naturel
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