Par Mariève Savaria
Mariève Savaria est une Foodie du monde végétal, blogueuse, prof de cuisine végé, amoureuse des artisans agriculteurs et pondeuse de recettes santé! (http://brutalimentation.ca/)
«Quoi? Comment? Combien manger?» sont des questions qui, étrangement, reviennent fréquemment. Parce que le doute plane à ce sujet, effectivement! Qu’est-ce qui est bénéfique ou nocif, sain ou toxique, bien ou mal? On culpabilise de manger trop, de manger mal. D’abord une nécessité, manger est devenu un dilemme moral.
Pourtant la question que l’on aurait avantage à se poser est : «pourquoi manger?» Parce que quand on a compris pourquoi on mange, alors on sait automatiquement quoi et combien manger, en toute simplicité et sans culpabiliser! On ne sait tellement plus quoi manger que le célèbre Michael Pollan a écrit il y a quelques années Food Rules, 64 règles pour s’alimenter. 64, c’est beaucoup me direz-vous. Heureusement, monsieur résume toutes ces règles en celle-ci : « Eat food, not too much, mostly plants ». Manger de « vrais » aliments, juste assez, principalement des végétaux. Facile, non? Alors pourquoi tant d’inquiétudes et de questions en rapport à notre alimentation?
Incertitude alimentaire
Est-ce à cause de cette phrase de notre ami Hippocrate : « Que ton aliment soit ton médicament » que nous sommes devenus soit obsédés, soit complètement déconnectés de notre alimentation ? Nos comportements alimentaires se sont névrosés. On a plus souvent qu’autrement le sentiment que, quoi qu’on mange, ce n’est pas correct : pas assez équilibré, naturel ou écologique, trop transformé, raffiné ou pollué. De plus, ce qui nous nourrit doit être savoureux, beau, bon, sensé, optimal! Rien pour diminuer le stress relié à l’acte de manger.
Manger, c’est pas sorcier !
J’oserais même dire que manger, c’est simple. Quand on écoute son appétit, on entend le corps nous demander des protéines, de la vitamine C ou du magnésium. D’où ce goût soudain pour une poignée de noix, une orange sanguine et un carré de chocolat noir. Mais l’appétit n’est pas que spécifique, il est aussi affectif et c’est bien comme ça.
Avec le temps, tout s’est compliqué! Il faut dire que l’être humain est davantage programmé pour survivre au manque qu’à l’abondance de nourriture. Marion Nestlé, en entrevue avec Passeport santé en 2005, parlait aussi des nombreux choix alimentaires industriels qui s’offraient aux consommateurs. Elle insistait sur le fait que « le seul objectif de l’industrie alimentaire, c’est de vendre et de vendre plus : la santé n’est pas une préoccupation pour ce secteur, mais uniquement un outil de marketing. » Aujourd’hui en 2012, nous sommes forcés de constater que rien n’a changé! Pourquoi? Il est clair que cette confusion alimentaire créée par l’industrie est payante puisqu’elle nous fait rechercher et acheter des aliments miracles transformés, supposément meilleurs que les aliments simples, essentiels à une bonne santé comme les légumes et les fruits. Si bien qu’au lieu d’essayer de faire de son mieux, on évite d’y penser et on avale n’importe quoi acheté à l’aveugle, qui semble « santé » parce qu’il arbore un «crochet santé» !
« Végétaliser », varier et simplifier son alimentation!
Et si on retrouvait notre pouvoir de s’alimenter simplement? Si on revenait à la base? Vous savez : le jardin, les légumes et fruits frais, les céréales entières, etc. Le monde végétal offre, même s’il n’affiche aucune « étiquette de valeur nutritive » ni logo « santé » tout ce qu’il nous faut pour s’alimenter de manière saine et équilibrée. Saveur et couleur en prime ! Il n’y a pas que moi qui le dise : le Dr Michael Greger (http://nutritionfacts.org/videos/plant-based-prevention/) aussi! C’est un médecin qui parcourt le monde des recherches en nutrition, publiées dans les journaux scientifiques, et vulgarise l’information sous forme de petits clips éducatifs.
« Farmacy » : Mon fermier mon médecin!
Si l’aliment est mon médicament, alors l’agriculteur ou le fermier est mon médecin. C’est lui qui produit ce qui me nourrit de variété et me garde en vie. Il est donc tout naturel que je sélectionne la majorité de l’énergie dont j’ai besoin chez lui. C’est ce dont parlait Hippocrate! On dit que la moitié de notre assiette devrait être composée de légumes, mais est-ce que la moitié de votre frigo et de votre garde-manger contient des végétaux? Parce que voilà : si nos réserves sont emballées et requièrent un cours pour pouvoir lire une étiquette, votre alimentation est bien loin du champ et de la variété alimentaire dont je vous parle aujourd’hui. Verdir son frigo est un must vers la « végétalité » alimentaire!
Fermiers 2.0
Fini le temps ou les agriculteurs se promenait en charrette! Le mien a Internet, un blogue, est sur Facebook et piaille sur Twitter! Nos fermiers ont compris que pour rejoindre monsieur- madame-tout-le-monde, sédentaire, assis huit heures par jour devant l’ordinateur, il a besoin de sortir de son champ pour aller se connecter au merveilleux monde virtuel et ainsi rejoindre ceux et celles qui ont le plus besoin de ses riches et précieux végétaux. Nous avons la chance d’avoir accès à des paniers biologiques livrés à des points de chute stratégiques, à des agriculteurs qui passent l’été dans les marchés, à des entreprises qui livrent des paniers de végétaux à domicile. Vous aimez faire votre marché? Bien. Mais pour ceux qui manquent de temps, il y a aussi l’achat en ligne et livraison à domicile (Les Jardins Urbains par exemple), une option qui vous fera épargner du temps et vous garantira d’avoir des produits frais et vivants dans votre frigo.
Comment manger?
Quand on a compris que le meilleur endroit pour faire son épicerie, c’est le champ, il faut apprendre à cuisiner légumes, fruits, céréales entières, légumineuses, etc. C’est tout simple. Les aliments cultivés et non transformés sont pour la plupart savoureux tels quels. Il faut rendre à César ce qui lui appartient, et pas seulement la vinaigrette! Un légume ou un fruit fraîchement cueilli n’a pas besoin d’être cuisiné : il est bon naturellement. Un trait de jus de citron, un filet d’huile d’olive de pression à froid, un bouquet de fines herbes fraîches, sel et poivre du moulin et hop! le tour est joué. Apprenons à simplifier notre cuisine. Pas besoin de devenir un grand chef! La gastronomie, on laisse ça au resto et chez soi, on prépare et on valorise les aliments qui ont été cultivés pour nous nourrir.
Manger est à la fois besoin et plaisir. Réapprenons à cultiver le goût, à simplifier ce que nous mangeons et réconcilions-nous avec cet acte alimentaire pour mieux être, pour la santé et pour notre plus grand plaisir!
InfoNaturel, le 9 avril 2012