Autrefois nos ancêtres choisissaient des aliments pour la santé et la vigueur qu’ils apportaient. Aujourd’hui, c’est l’industrie alimentaire qui nous nourrit… pour ses profits. Comme toute bonne construction, un corps en santé ne se bâtit pas avec des matériaux défectueux. La malbouffe fait les manchettes. Enfin l’alimentation est devenue un sujet à la mode. Après des décennies de quasi-ignorance, on discute activement de solutions. À quand le virage alimentation saine ?
Par: Dr Carol Vachon, consultant en nutrition, ex-président, Association manger santé bio. Article présenté en collaboration avec l'Association Manger Santé Bio.
La malbouffe à l’école : pas d’impact ?
Septembre 2005. Les journaux titrent : la malbouffe à l’école n’entraîne pas l’obésité chez les enfants. Dans une vaste étude menée sur 4 300 élèves de Nouvelle-Écosse, Veugelers et Fitzgerald concluent que les machines distributrices à l’école n’auraient qu’un impact marginal sur l’embonpoint d’enfants de 5e secondaire. Avec la présence de distributrices dans l’école, la consommation de cannettes de boissons gazeuses n’augmentait que de 3,6 à 4 par semaine et n’avait pas d’impact significatif sur le poids, pas plus que la présence de distributrices d’autres aliments (1). Certains vont dire que c’est dédouaner la malbouffe un peu trop vite. De plus, cette dernière affecte bien d’autres aspects de la santé.
Nombreux sont les facteurs comportementaux et socio-économiques qui s’entremêlent dans les choix alimentaires et dans leur impact final sur la santé. En premier lieu, une constatation de l’étude qui devrait nous faire fortement réfléchir : la prise du souper autour de la table familiale protège le tour de taille des enfants, alors que le fait de les abandonner à la télé pour le souper les fait grossir. Il semble que plus la famille supervise étroitement les repas, moins il y a de surpoids chez les jeunes. Or, la même étude montre que le fait d’acheter son dîner à l’école plutôt que de le prendre à la maison ou de l’apporter à l’école augmente les risques de surpoids de près de 40 %. C’est énorme. Là encore, quand la main des parents façonne le dîner, le risque de surpoids dégringole. Quand l’enfant choisit sans supervision parentale, le poids dérape. Enfin, sauter le déjeuner est fortement « obésogène ». De nouveau, c’est un rappel à la supervision parentale.
Bougez, les enfants !
Comme bien d’autres, l’étude de Veugelers et Fitzgerald démontre que l’activité physique réduit fortement le taux de surpoids chez les jeunes Néo-Écossais. À l’inverse, plus votre enfant s’adonne à des activités sédentaires (incluant le transport par véhicule moteur), plus il risque d’augmenter son tour de taille. En s’offrant de le reconduire en auto à l’école alors qu’elle est située tout près, les parents défavorisent l’habitude de l’activité physique chez leur enfant. Quelle merveille que de bouger ! Ce faisant, ils réduisent d’autant ses chances de socialiser avec d’autres écoliers, si c’est le cas, ou à l’inverse, le privent de moments de réflexion s’il n’y a pas d’autres élèves pour l’accompagner en trajet vers l’école.
La malbouffe : une jambette à l’activité physique ?
Prises séparément, activité physique et alimentation favorisent une taille fine. Il y a probablement une synergie entre les deux : la sédentarité a toutes les chances de fragiliser le corps aux effets nocifs de la malbouffe, et vice-versa. Car sommes-nous portés à l’activité et à l’effort après s’être confié à la malbouffe ou suite à des abus de table ? À l’inverse, la digestion est amplement facilitée par la pratique des sports ou de toute forme d’activité physique. Qui n’a pas constaté à quel point le fait de s’être trémoussé sur une piste de danse suite à un repas copieux allège le poids de la digestion et de la vie ? Cela s’accompagne de bienfaits non seulement pour le cœur, mais aussi pour les tripes.
Le statut socioéconomique, un facteur de poids
Données connues, l’étude de Veugelers et Fitzgerald confirme que l’éducation et la richesse ont une incidence fortement bénéfique sur le poids des enfants, indépendamment l’une de l’autre. La portion de la population riche et éduquée tient plus compte des messages d’avertissement : les campagnes de sensibilisation de Santé Canada à propos des gras «trans» se sont avérées plus efficaces chez les gens favorisés.
Il apert que la meilleure stratégie d’intervention contre l’obésité (et de nombreux autres troubles de santé, ne l’oublions pas) serait de mener des actions ciblées auprès des milieux défavorisés. Mentionnons la constitution de cafétérias santé accompagnée de messages de sensibilisation dans les écoles, les subventions pour approvisionnemer des garderies en fruits et légumes bio, etc., tout en faisant la promotion de l’activité physique.
Enfin, une constatation s’impose : les quartiers défavorisés constituent généralement de véritables «déserts» de l’offre d’aliments sains. Pas de doute, il faut une intervention de l’état qui est le mieux placé pour intervenir à ce niveau en favorisant l’installation de commerces appropriés. Veugelers et Fitzgerald suggèrent justement d’implanter les programmes en santé publique en priorité dans les milieux défavorisés.
Cette approche est ce qui semble le plus «payant» pour l’état, divers rapports montrant que dans les pays où l’état s’occupe de ses pauvres, le taux de richesse général s’accroît. L’explication en est multiple. Le fait de réduire taxes et tarifs pour les pauvres rend de l’argent immédiatement disponible pour faire fonctionner l’économie puisque les gens à faible revenu ne couvrent déjà pas leurs besoins : ils vont obligatoirement dépenser leurs nouvelles liquidités. De plus, le fait d’améliorer le sort des gens à faible revenu par l’alimentation saine pourrait non seulement amoindrir leurs troubles de santé et les coûts inhérents, mais également le risque qu’ils accroissent la délinquance et autres troubles familiaux. Enfin, rassembler les jeunes autour d’activités sportives, par exemple en développant les infrastructures sportives, permet d’atteindre des objectifs semblables.
D’autres façons d’aider les parents
Faut-il bannir la malbouffe des écoles ? S’il ce ne s’agit que de cela, l’approche paraît simpliste. Dans leur supervision des repas de leurs enfants, les parents ont besoin de soutien en ce sens contre la publicité omniprésente de l’industrie de la malbouffe et ses milliers de messages chaque année. Des messages généraux s’adressant aux familles pourraient être très efficaces pour renforcer l’impact d’autres actions menées au niveau de l’école, tel qu’énuméré plus haut. Ces messages ne devraient pas trop s’attarder à jeter l’anathème contre la malbouffe, mais plutôt à faire connaître des façons savoureuses d’apprêter des aliments frais et les bénéfices qu’on peut en retirer. N’oublions pas que la promotion des fruits et légumes à l’école a marché chaque fois qu’on l’a essayée. Enfin, l’utilité de l’interdiction de la malbouffe à l’école peut être annulée complètement si les élèves ont la possibilité d’aller au McDo du coin. Faudra-t-il taxer la malbouffe et en utiliser les fruits pour subventionner ces actions ? C’est une arme à deux tranchants. Plus facilement confinés à l’alimentation de bas de gamme, les milieux socioéconomiques défavorisés seraient plus pénalisés. Des débats à venir.
Bibliographie
1- Veugelers, PJ et Fitzgerald, AL. 2005. Prevalence and risk factors for childhood overweight and obesity. Journal de l’Association médicale canadienne, 173 : 607-613.
Dr Carol Vachon, Docteur en physiologie médicale, consultant en nutrition. Auteur du livre, Pour l’Amour du bon lait. Article présenté en collaboration avec l'Association Manger Santé Bio. | InfoNaturel.ca | Allimentation Bilologique Le 17 janvier 2012
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