Par Dr. Carol Vachon, Docteur en physiologie médicale.
Un très faible pourcentage de l’eau traitée à grands frais par les villes aboutit dans nos estomacs, alors que l’essentiel sert à laver rues, entrées de garage, remplir des piscines, etc. et surtout à des usages industriels. Et il ne manque pas de reportages sur la présence de pesticides, de métaux lourds et autres contaminants dans l’eau du robinet. Enfin, la pollution occasionnée par la myriade de bouteilles dispersées dans l’environnement est devenue un problème grave. Pas de doute, nous devons revoir notre relation à l’eau de boisson.
À l’eau, la santé ?
Sylvie souffre de douleurs au dos lorsque l’adoucisseur d’eau de son puits artésien n’est pas en fonction. Les cheveux de Michèle sont particulièrement affreux lorsque lavés à l’eau fortement chargée de minéraux de son puits artésien. Des troubles articulaires aux épaules depuis 15 ans envoient un individu à l’urgence par deux fois. Son problème est progressivement corrigé en six mois en troquant l’eau du robinet pour de l’eau «osmose inversée». L’eau, une boîte de pandore ?
Des sous jetés à l’eau ?
Les villes produisent à grands frais une eau trop propre pour la plupart des usages auxquels on la destine comme le nettoyage des rues, tout en étant jugée insuffisamment propre par certains pour consommation courante. Faudra-t-il réduire la qualité de l’eau du robinet, quitte à distribuer gratuitement de l’eau comparable à une eau osmose inversée ? Ce procédé permet d’éliminer les minéraux inorganiques et les polluants des eaux de boisson. Il y a là matière à discussion.
Notre eau, un autre cocktail explosif ?
On en traite chaque semaine… dans les médias. Dépendamment de l’endroit, campagne, ville, puits artésien ou autre, l’eau de boisson contient des minéraux dans une concentration variable, de la matière organique (exsudat d’humus, bactéries, etc.), du chlore, utilisé pour éliminer ces matières organiques, de la dioxine résultant de la réaction chimique entre les deux, des résidus de milliers de substances chimiques synthétiques (BPC et autres). À cela s’ajoutent des médicaments rejetés dans nos urines ou simplement jetés, ou encore des résidus d’alun, un floculent à base d’aluminium parfois utilisé dans les usines de filtration et j’en passe.
Des minéraux, mais…
La Santé publique favorise la prise de minéraux par l’eau de boisson. Ces minéraux sont effectivement utilisés par le corps, mais de quelle façon ? Certains font valoir que ces minéraux sont généralement sous forme inorganique et se déposent indument dans les articulations, les artères, etc., favorisant troubles articulaires, artériels, constipation, etc. Par conséquent, il s’agirait de privilégier des eaux de source peu chargées en minéraux, ou de l’eau distillée ou celle obtenue par osmose inversée ou de puits artésien peu concentrées, quitte à combler ses besoins en minéraux en les ingérant sous leur forme organique, c’est-à-dire liés à la substance organique des aliments. D’ailleurs, dans les suppléments naturels de qualité, les minéraux sont inclus le plus souvent sous leur forme «chélatée», donc liés à un acide aminé ou autre acide organique.
On ne boit plus l’eau de nos ancêtres
Il semble que les humains s’abreuvaient autrefois d’eau de surface (ruisseaux) peu minéralisée, mais sujette à la contamination bactérienne. À notre époque, à la campagne, cette eau a fait place à celle de puits artésiens, plus chargée en minéraux inorganiques dont la concentration a pu avoir été accrue par l’action dissolvante des pluies acides sur la roche. L’eau de ces puits est souvent beaucoup plus chargée que celle de villes, comme celle de Québec qui, avec environ 90 ppm de minéraux, s’avère avoir une concentration moyennement élevée. À 172 ppm, Montréal nous en fait goûter toute une : http://www.ecosynthese.com/dossiers/eau_en_bouteille/fr/EB04_mythes_realites.htm. Notons qu’un ppm, une partie par million, c’est 1 mg (1 millième de gramme) dans un litre (1000 grammes) d’eau. C’est à comparer aux eaux d’Évian (309 ppm), Perrier (460 ppm) et Vichy (plus de 3000 ppm).
On conseille des eaux naturelles n’ayant pas plus de 35 ppm de minéraux, préférablement non traitées (non ozonée, etc.). Une eau d’osmose inversée (filtrée avec une membrane à pores très fins sous la pression du robinet) est moins chargée avec 5 à 15 ppm. L’eau distillée est si peu chargée que cela pourrait la déclasser. L’eau Aquafina apparaît intéressante parce qu’elle est obtenue par osmose inversée, même si le fabricant, PepsiCo, a une évocation discutable. À noter que dans cet article, nous n’avons pas élaboré sur les éventuels avantages d’autres procédés d’amélioration de l’eau comme la magnétisation, l’«énergisation» ou autres, non par manque d’intérêt de ces procédés, mais uniquement par souci de concision.
Un lavage intérieur par une eau propre ?
Je mets ici un point d’interrogation, les conclusions étant difficiles à tirer sur ce processus si complexe. L’adoucissement de l’eau, en remplaçant le calcium et le magnésium par le sodium, semble accroître la fréquence cardiaque (1). C’est une des raisons pour lesquelles le milieu scientifique n’aborde pas la question des effets éventuellement négatifs des minéraux inorganiques. Il y a aussi le fer et le soufre, potentiellement dommageables pour d’autres raisons. Certains croient que les minéraux inorganiques ne sont pas assimilés. Au contraire, ils le sont, du moins à un certain degré, mais une partie se déposerait dans les artères et les articulations, les endommageant.
Par exemple, des dépôts calcaires favoriseraient l’inflammation et l’usure des articulations à l’exercice. Une eau faiblement minéralisée aiderait à éliminer progressivement ces dépôts calcaires, comme dans le trouble d’épaules rapporté plus haut. La guérison est-elle due à l’eau déminéralisée ? Car, s’étant convaincu de sa qualité et prenant maintenant plus d’eau parce que sans arrière-goût chloré, l’individu s’est-il trouvé à mieux nettoyer son organisme en buvant plus ? Au moins, ça semble marcher.
Un trouble ayant généralement plusieurs causes, une eau peu minéralisée serait-elle plus efficace à le corriger si étaient également améliorées diverses habitudes alimentaires et de vie ? Selon Le Devoir du 16 mai 2009 (page D4), l’alcool serait cancérigène dès le premier verre, vin rouge compris. Serait-il moins cancérigène dans un régime santé comme le régime méditerranéen ? En effet, dans le cancer des voies aériennes et digestives supérieures, on ne rapportait de forte augmentation due à l’alcool que chez les fumeurs.
Un désastre environnemental
Par principe et par économie, je n’ai jamais acheté de petites bouteilles d’eau sauf à de très rares occasions, n’ayant pas eu le choix. Achetée à l’épicerie santé (pour aussi peu que 2,50$ le 18l) ou livrée à la maison, l’eau osmose inversée s’avère plusieurs fois moins chère que celle vendue en petite bouteille et ne pollue pas. Pour éviter les résidus chimiques présents dans le plastique (surtout s’il est transparent), préférer les bouteilles opaques et, encore mieux, celles fabriquées à cette fin.
À Propos:
Dr Carol Vachon, Docteur en physiologie médicale, consultant en nutrition. Auteur du livre, Pour l’Amour du bon lait. Article présenté en collaboration avec l'Association Manger Santé Bio. | InfoNaturel.ca | Allimentation Bilologique Le 7 juillet 2012
Références: Dr Carole Vachon
Profil de l'auteur
Bachelier en biologie, en 1971, puis docteur en physiologie médicale de l'Université Laval, Carol Vachon a effectué un stage postdoctoral à la Faculté de médecine de Genève, puis a été attaché de recherche au Centre de recherche en nutrition de l'Université Laval. Situé à Québec, il est consultant en nutrition depuis 1987 auprès du grand public, enseignant et chroniqueur. Il a rédigé le livre, Pour l'amour du bon lait, et d'autres ouvrages sur le lait et les huiles végétales. Initiateur de la Coalition québécoise fromage au lait cru en 1996. Voir aussi www.bonlait.com.
